L’abbesse assure le service de l’autorité dans la communauté. Pour saint Benoît elle « tient la place du Christ dans le monastère ». Cette expression pourrait prêter à confusion. L’abbesse se prendrait-elle pour le Christ ? Certes non. L’abbesse n’est pas le Christ, mais elle est sa représentante au sein de la communauté, dans ce sens qu’elle exerce l’autorité à la manière du Christ envers ses disciples, dans l’Evangile. Il n’a rien fait d’autre que de susciter la croissance autour de lui, que de permettre à l’autre de devenir l’auteur de sa propre vie. Là est le sens de toute autorité. Ainsi l’abbesse aidera les sœurs à grandir personnellement et ensemble sur le chemin de la quête et de l’union à Dieu et de leur liberté intérieure.

L’abbesse, toujours selon saint Benoit, devra « chercher à être aimée plutôt que crainte, cherchant à s’adapter au caractère de chacune». En n’empêchant pas les différences normales entre les membres de la communauté, elle leur permettra au contraire de s’exprimer. C’est de l’articulation de ces différences et non pas de leur gommage dans une uniformité stérile que naîtra l’unité et que pourra couler la vie dans les veines du tissu communautaire, comme une grâce d’ enrichissement mutuel. « Ce qui appartient à l’une est à toutes et ce qui est à toutes appartient à chacune. » (Aelred de Rievaulx). Il en va ainsi des biens matériels comme des dons spirituels. Notre aumônier, le Père Yves de Broucker, nous disait : « Lorsque je te donne quelque-chose, tu ne me lèses pas, tu m’augmentes. » La vie commune n’est pourtant pas un long fleuve tranquille. Pour saint Bernard elle va jusqu’à être «un martyr », mais c’est « un martyr » qui produit aussi des fruits de grâces et de soutien car « nous portons les fardeaux les unes des autres ». Et… peu à peu le cœur se dilate, ce qui semblait dur et âpre devient facile…. (saint Benoît).