Il y a 900 ans ont été posées les premières pierres de l’Abbaye dédiée à la Vierge Marie et tous les Saints. La fondation est attribuée à l’évêque de Strasbourg, Cunon de Michelbach qui s’était retiré à Epfig, laissant le libre choix pour l’élection de ses futurs abbés. Il décéda dès mars 1125. C’est l’évêque de Strasbourg, Burkard, qui fit venir en 1148 depuis l’abbaye lorraine de Beaupré, (une fondation de Morimont, abbaye fille de Cîteaux), 12 moines cisterciens qui introduiront la règle de St Benoît et les règlements de Cîteaux.

Durant ses 400 ans de présence monastique, l’abbaye de Baumgarten a marqué la région par son rayonnement. Elle connut des moments heureux mais aussi des heures plus sombres et tragiques avant de disparaître en 1525 lors de la guerre des Paysans. Cet évènement marqué par la violence nous rappelle les tensions et les bouleversements sociaux de l’époque et les luttes des peuples pour plus de justice et de dignité. Le temps a pu effacer certaines traces physiques de l’Abbaye mais l’esprit de l’abbaye, les valeurs qu’elle a incarnées n’ont jamais cessé de nourrir l’esprit des générations successives. Ce moment nous permet de rendre hommage à un passé riche, parfois douloureux mais toujours porteur d’enseignements.

En parallèle nous célébrons aussi un autre chapitre de notre histoire, celui de l’arrivée des moines et des moniales à Oelenberg il y a exactement 200 ans, en provenance de Darfeld – Rosenthal, en Allemagne. Une courageuse et héroïque épopée les avait menés jusqu’à ce jour du 29 novembre 1825. Notre Communauté, avant d’être N.D. de la Miséricorde à Oelenberg, N.D. d’Altbronn puis de Baumgarten, doit son origine à quatre Sœurs expulsées de France pendant la Révolution qui ont suivi D. Augustin de Lestrange (en 1796) qui s’était déjà réfugié en Suisse à la Valsainte avec d’autres moines qui l’avait rejoint. Mais 2 ans plus tard les armées révolutionnaires envahissent la Suisse et elles sont contraintes à l’exil.

Elles parcoururent l’Europe jusqu’en Russie, en une odyssée tumultueuse. Le séjour en Russie durait juste le temps de subir les duretés de l’hiver. A leur retour, les moines de Darfeld en Westphalie les accueillirent et leur construisirent en quelques semaines une petite maison à « Rosenthal ». Suivirent encore de nouveaux exils imposés par Napoléon lorsqu’il supprima tous les monastères de l’Ordre. Elles revinrent à Rosenthal en 1814 jusqu’en 1825 où l’expulsion totale des moines et des moniales était ordonnée cette fois-ci par les Prussiens.
Tout au long de ce parcours, en Suisse, en Russie, en Allemagne, des postulantes se présentaient, la règle était observée dit-on. Témoin fidèle, notre petite cloche Antonia qui a accompagné toute cette odyssée monastique depuis 1796 nous appelle aujourd’hui encore à l’Office.

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C’est en 1825 que les Sœurs ont suivi les moines à Oelenberg. Elles ont pu s’installer dans l’aile sud de leur Monastère où elles menèrent leur vie monastique durant 70 ans. Le nombre des Sœurs augmentant, les lieux devenant de plus en plus exigus, la recherche d’un nouveau lieu s’imposait. Les Sœurs avec l’aide des Frères s’établirent cette fois-ci à Ergersheim près de Molsheim. Ce fut le 6 décembre 1895, il y a 130 ans.
Après 105 années de présence à Ergersheim on se trouvait dans la situation inverse – les lieux trop grands pour le nombre de Sœurs restantes. Et ce fut l’aventure à la recherche d’une demeure appropriée. Dieu, dans sa Providence guida nos pas vers Baumgarten. Nous y sommes depuis plus de 15 ans.

Pèlerines de l’espérance, les Sœurs l’étaient effectivement, rappeler leur souvenir me fait penser à nos fondateurs quand ils nous ont transmis le récit des commencements de Cîteaux, je cite brièvement : « Nous, cisterciens de la première heure, faisons connaître à nos successeurs en quels temps leur monastère et leur genre de vie commencèrent afin qu’ils aiment fidèlement le lieu et l’observance de la sainte Règle que nous avons entreprise tant bien que mal ; afin aussi qu’ils prient pour nous qui avons porté sans nous lasser le poids du jour et de la chaleur ».
Aujourd’hui, Cisterciennes toujours en chemin, nous voulons au cœur de nos fragilités nous ouvrir aux exigences du présent, et mettre nos pas dans les voies de Dieu, scruter ses signes et avancer fidèlement dans la foi et l’espérance forte qui permet à tout disciple du Christ de tenir debout. Nos jubilés d’aujourd’hui au cœur de l’année jubilaire de l’espérance, nous font prier avec toute l’Eglise :

« Souviens-toi Seigneur, de ta tendresse et de ton amour que tu as montré depuis toujours »