1er novembre 2012 – Fête de tous les saints (Année B)

Dans une sorte de fresque céleste, dans une liturgie divine, où se dégage une atmosphère paisible et d’intense bonheur, St Jean nous décrivait une foule immense que personne ne pouvait compter, une foule qui se tient debout devant le trône de Dieu dans une attitude de louange. L’apocalypse de St Jean, un livre un peu mystérieux, était à l’époque un récit clandestin qui circulait sous le manteau, à la barbe des autorités romaines, il se présente dans un langage codé que seuls les initiés pouvaient comprendre ; dans un langage énigmatique il voulait rassurer les chrétiens persécutés, comme pour leur dire : vous paraissez vaincus, vous êtes persécutés, mais ne vous découragez pas ; le mal n’aura pas le dernier mot. Les vrais vainqueurs, ce sont les croyants qui auront tenu jusqu’au bout. Ce message d’espérance est aussi un message qui nous rejoint aujourd’hui, il nous dit que nous sommes faits, nous aussi, pour un bonheur sans fin.

Précisément l’évangile nous parle aussi de bonheur. Mais ce que Jésus nous en dit ne correspond pas à l’image que notre monde voudrait nous en donner. Le vrai bonheur ce n’est pas de consommer toujours plus, d’avoir une belle situation, de gagner beaucoup d’argent, d’être le meilleur. Le vrai bonheur dont parle Jésus est ailleurs : « Heureux les pauvres de cœur » vient de nous dire Jésus. Cette béatitude et toutes les autres sont la charte du Royaume. Elles nous montrent que Jésus est venu nous ouvrir un chemin. Jésus déclare « heureux » ceux et celles qui avancent sur le route de la vie avec un cœur désencombré, doux, compatissant, miséricordieux, pacifique. Sur cette route, nous ne sommes pas seuls, le Christ est là pour nous guider vers la lumière, dès cette vie présente qui s’épanouira en vie éternelle ; il peut nous guider car lui-même a vécu ces béatitudes avant de nous les proposer.

Chacune de ces béatitudes est comme une balise sur notre chemin. En la suivant, elle nous garantit que nous ne nous trompons pas, que nous sommes en marche vers la sainteté. L’important ce n’est pas de vouloir suivre toutes les balises à la fois, ce qui est d’ailleurs impossible. Nous ne pouvons pas être en même temps pauvres comme François d’Assise, doux comme François de Sales, avoir faim et soif de justice comme l’abbé Pierre, être mystique comme Jean dela Croix. Lasainteté n’est pas un concours d’excellence, un classement de fin de vie comme un classement de fin d’année. Se classer, c’est se comparer, se mesurer aux autres, on essaie de faire mieux que les autres, alors on se jalouse, on s’envie. Progresser vers la sainteté ce n’est pas accomplir un ensemble de performances. Ce qui est premier c’est de laisser le Seigneur agir en nous. Alors les saints de demain sont déjà parmi nous. Pour parvenir à la sainteté, nous n’avons pas à accomplir des performances extraordinaires.

La grande majorité des saints que nous célébrons aujourd’hui n’ont pas accompli de telles performances. Voici d’innombrables personnes anonymes, au dévouement inlassable. D’innombrables êtres qui, toute leur vie, ont servi les autres sans mesure, sans même penser qu’ils pourraient en tirer gloire.

Dans cette foule immense que saint Jean nous décrivait, nous en connaissons sûrement quelques-uns : nos parents, nos amis, un frère, une sœur, un enfant, un voisin. Des hommes et des femmes qui ont simplement illustré par leur vie l’une ou l’autre de ces béatitudes que nous venons d’entendre dans cet évangile. Ils ont été les premiers surpris d’entendre le Seigneur leur dire : « Bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle dans les petites choses… Entre dans la joie de ton maître. »La Toussaint, c’est leur fête, leur fête à eux d’abord puisque les saints officiels nous les fêtons tout au long de l’année, c’est aujourd’hui la fête des saints qui ne seront jamais canonisés, jamais dans les vitraux de nos cathédrales ou dans nos églises. En allant au cimetière aujourd’hui, en déposant une fleur sur leurs tombes, nous continuons à célébrer ces saints de la vie quotidienne.

Ainsi, la fête de Toussaint, dans la logique du livre de l’Apocalypse, nous appelle à la joie et à l’espérance. Le mal qui accable notre vie et notre monde n’aura pas le dernier mot. Le Christ ressuscité veut nous associer tous à sa victoire sur la mort et le péché. En communion avec tous les chrétiens du monde entier et avec tous les saints du ciel, nous rendons grâce au Seigneur pour cet amour qu’il nous donne sans compter. Et nous lui demandons qu’il fasse de notre vie une marche illuminée par les béatitudes, vers ce Royaume auquel nous sommes tous appelés. Saints et saintes de Dieu, priez pour nous.